Les cabanes perchées du Nord-Pas-de-Calais

Le Nord-Pas-de-Calais, terre de contrastes et de renaissance

Qui aurait imaginé que les terres noires du bassin minier deviendraient un jour terrain de jeu pour amateurs d'hébergements perchés ? Le Nord-Pas-de-Calais, longtemps associé aux corons et aux chevalements, écrit aujourd'hui une nouvelle page de son histoire. Là où les mineurs descendaient dans les entrailles de la terre, les visiteurs s'élèvent désormais dans la canopée, cherchant dans les hauteurs des arbres ce que d'autres trouvaient jadis dans les profondeurs des galeries : un autre monde, une parenthèse hors du temps.

Cette métamorphose spectaculaire trouve son apothéose dans l'inscription du bassin minier au patrimoine mondial de l'UNESCO en 2012. Les terrils, ces montagnes artificielles autrefois symboles de labeur, sont devenus des belvédères verdoyants d'où l'on contemple un paysage unique au monde. Les anciennes fosses accueillent désormais musées et centres culturels, les cavaliers miniers se sont mués en voies vertes, et au cœur de cette renaissance, des domaines comme Natureza inventent un tourisme vert qui réconcilie mémoire industrielle et retour à la nature.

Entre Lille et Paris, à la croisée des chemins européens, les Hauts-de-France cultivent cette alchimie particulière où le patrimoine industriel dialogue avec une nature reconquise. C'est dans ce contexte de renouveau que fleurissent les cabanes perchées, offrant aux voyageurs une expérience inédite : dormir dans les arbres tout en ayant à portée de regard les témoins d'une histoire ouvrière devenue universelle.

Le domaine Natureza : un écrin de slow life aux portes d'Arras

L'histoire d'un rêve devenu réalité

L'histoire du domaine Natureza commence comme un conte moderne. Après vingt ans passés dans l'univers effréné de la fabrication de produits publicitaires, Mylène et Frédéric ressentent ce besoin viscéral que connaissent tant d'entrepreneurs : celui de ralentir, de retrouver le sens, de reconnecter avec l'essentiel. Leur projet initial les menait au Portugal, mais c'est finalement leur amour pour leur région qui l'emporte.

Le déclic survient lors d'un vol en montgolfière au-dessus de Roeux. Vue du ciel, cette ancienne terre agricole de six hectares, avec son lac paisible et ses bosquets préservés, leur apparaît comme une évidence. "C'est l'endroit que nous avons choisi pour vous faire partager nos désirs d'évasion", confient-ils. Cette phrase résume toute leur philosophie : non pas fuir, mais créer ici, à dix kilomètres d'Arras, un ailleurs qui n'a rien à envier aux destinations lointaines.

Convaincus que le tourisme vert représente l'avenir, ils façonnent Natureza selon les principes du slow life. Chaque détail est pensé pour favoriser la déconnexion : pas de voiture dans le domaine, des constructions écologiques intégrées dans le paysage, un système de phytoépuration pour les eaux usées, un potager en permaculture. L'authenticité n'est pas un concept marketing mais une réalité vécue au quotidien.

Les cabanes, havres de paix entre ciel et eau

L'Esperanza, joyau architectural du domaine, incarne parfaitement cette quête d'harmonie. Sa structure mêlant bois naturel et larges baies vitrées crée une osmose parfaite avec la forêt environnante. Depuis sa terrasse équipée d'un jacuzzi privatif, le regard porte sur les frondaisons, créant cette sensation unique d'être à la fois protégé et immergé dans la nature.

La cabane Estrela pousse l'expérience encore plus loin. Perchée à sept mètres de hauteur, accessible par un pont de singe qui ravive les souvenirs d'enfance, elle offre une vue panoramique à travers ses baies vitrées. La nuit venue, allongés dans le spa privatif de la terrasse, les hôtes contemplent la voûte céleste dans toute sa splendeur, justifiant pleinement le nom d'Estrela, étoile en portugais.

Sur les rives du lac, la cabane du Pêcheur déploie ses trois tourelles comme autant d'invitations à la contemplation. Son design de loft chic contraste avec l'environnement bucolique, créant un dialogue subtil entre modernité et nature. Le jacuzzi privatif, positionné face au plan d'eau, transforme chaque bain en méditation aquatique.

Le Lov'nid défie les lois de la gravité. Cette bulle couverte d'écailles de bois, suspendue à sept mètres du sol, évoque un cocon organique né de l'imagination d'un architecte-poète. L'ascension vers ce nid douillet fait partie intégrante de l'expérience, chaque marche éloignant un peu plus du monde terrestre.

Quant à la cabane Hobbit Gaïa, elle réalise les rêves des amateurs de Tolkien. Semi-enterrée avec ses portes rondes caractéristiques, elle offre une expérience d'immersion totale dans un univers fantastique. Le sauna privatif et la vue sur le lac ajoutent une dimension de bien-être à cette parenthèse enchantée.

Une expérience immersive au fil des saisons

Natureza ne se contente pas d'offrir un hébergement insolite : le domaine propose une véritable immersion dans l'art de vivre "à la nordiste". Chaque matin, le petit-déjeuner arrive dans un panier déposé au pied de la cabane, garni de produits frais et locaux : pains artisanaux, fromages fermiers, confitures maison. Ce rituel matinal, savouré sur la terrasse au chant des oiseaux, donne le ton d'une journée placée sous le signe de la lenteur choisie.

Les bains nordiques et jacuzzis privatifs transforment chaque soirée en cérémonie du bien-être. Immergés dans l'eau chaude sous le ciel étoilé, les visiteurs redécouvrent le luxe du temps qui s'étire, de la conversation qui se fait murmure, du silence qui devient musique.

Pour explorer les environs, des vélos électriques permettent de longer la Scarpe en douceur, suivant les méandres de la rivière jusqu'au cœur d'Arras. Le domaine encourage aussi la pêche no-kill sur son lac, activité méditative qui rappelle que le plaisir n'est pas dans la prise mais dans l'instant présent.

Les trésors culturels et historiques à portée de cabane

Arras, la belle flamande aux deux places

À trente minutes à vélo du domaine Natureza, Arras déploie sa magnificence baroque. Les 155 façades flamandes de la Grand'Place et de la place des Héros composent un ensemble architectural unique en Europe. Ces places, détruites à 80% durant la Première Guerre mondiale, ont été reconstruites à l'identique, témoignant de la résilience d'une ville qui refuse d'oublier sa beauté.

Le beffroi, sentinelle de 75 mètres inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO, offre après une ascension de 225 marches un panorama saisissant sur la ville et ses environs. Par temps clair, on distingue les terrils du bassin minier, créant un dialogue visuel entre les différentes strates de l'histoire régionale.

Mais Arras cache aussi des trésors souterrains. Les boves, ce réseau de galeries creusées dès le Xe siècle, forment une ville sous la ville. Ces anciennes carrières de craie, transformées en caves puis en abris durant les guerres, se visitent aujourd'hui dans une atmosphère mystérieuse où chaque voûte raconte mille ans d'histoire.

La Carrière Wellington prolonge cette expérience souterraine en plongeant dans la mémoire de la Grande Guerre. Ces tunnels, aménagés par les tunneliers néo-zélandais, abritèrent 24 000 soldats britanniques avant la bataille d'Arras en 1917. La visite, ponctuée de projections et de témoignages, transforme l'histoire en émotion palpable.

Le Louvre-Lens, vaisseau de lumière sur l'ancien carreau de mine

À seize kilomètres de Roeux, le Louvre-Lens incarne la métamorphose spectaculaire du bassin minier. Posé sur l'ancien carreau de la fosse n°9, ce paquebot de verre et d'aluminium signé par l'agence japonaise SANAA dialogue avec subtilité avec son environnement post-industriel. L'architecture horizontale, tout en transparence, semble flotter sur le parc paysager de vingt hectares où les cerisiers – nés des noyaux jetés par les mineurs durant leurs pauses – rappellent la mémoire du lieu.

La Galerie du temps, cœur battant du musée, révolutionne la présentation muséale. Sur 3000 mètres carrés et 120 mètres de longueur, plus de 250 œuvres majeures du Louvre parisien se déploient dans un parcours chronologique qui abolit les frontières entre civilisations. De la Mésopotamie antique aux toiles du XIXe siècle, cinq millénaires d'art dialoguent dans une scénographie épurée où la lumière naturelle, filtrée par les lames du plafond, crée une atmosphère contemplative unique.

Cette democratisation culturelle prend tout son sens dans l'ancien bassin minier. Lens, ville sans musée jusqu'en 2012, accueille désormais plus de 500 000 visiteurs annuels, dont un quart vient de la région. Le pari de faire dialoguer grande culture et territoire ouvrier est gagné, transformant l'ancien carreau de mine en agora culturelle où se croisent écoliers du Pas-de-Calais et touristes internationaux.

Le bassin minier, patrimoine mondial vivant

L'inscription du bassin minier au patrimoine mondial de l'UNESCO couronne une histoire de trois siècles qui a façonné l'identité des Hauts-de-France. Les 353 éléments classés racontent l'épopée industrielle à travers terrils, chevalements, cités minières et infrastructures de transport. Mais loin d'être un musée à ciel ouvert figé dans la nostalgie, le bassin minier est un territoire vivant qui se réinvente.

Les terrils, ces pyramides noires qui ponctuent le paysage sur 120 kilomètres, sont devenus des îlots de biodiversité. Le terril des Argales à Rieulay, transformé en base de loisirs, accueille désormais baigneurs et véliplanchistes là où s'entassaient les schistes. Les versants de ces montagnes artificielles, colonisés par une flore pionnière, offrent des panoramas stupéfiants sur la plaine flamande.

Les chevalements, ces beffrois industriels qui marquaient l'entrée des fosses, se dressent encore comme des totems de l'ère charbonnière. Celui de la fosse Delloye à Lewarde, intégré au Centre historique minier, permet de comprendre la descente des hommes dans les entrailles de la terre. D'autres, comme celui d'Arenberg à Wallers, servent de décor naturel au cinéma, perpétuant leur présence iconique dans l'imaginaire collectif.

Les cités minières, véritables laboratoires urbains où les compagnies expérimentaient l'habitat ouvrier, constituent un patrimoine architectural unique. Des corons alignés aux cités-jardins inspirées du modèle anglais, elles témoignent de l'évolution des conceptions sociales et urbanistiques. Aujourd'hui rénovées, elles accueillent une population qui perpétue l'esprit de solidarité caractéristique du monde minier.

Les activités nature pour prolonger l'évasion

Le Nord-Pas-de-Calais surprend par la diversité de ses activités de plein air. Les terrils, devenus terrains de jeu pour randonneurs et vététistes, offrent des dénivelés inattendus dans cette région réputée plate. L'ascension du terril de la fosse 11-19 à Loos-en-Gohelle, point culminant du bassin minier avec ses 186 mètres, récompense les efforts par une vue à 360 degrés sur le paysage minier transfiguré.

La base nautique de Saint-Laurent-Blangy, à quelques minutes d'Arras, transforme la Scarpe en torrent artificiel. Rafting, kayak et hydrospeed permettent de vivre des sensations fortes inattendues si loin de la montagne. Cette reconversion audacieuse d'anciennes infrastructures industrielles en équipements de loisirs illustre la capacité du territoire à se réinventer.

Les cavaliers miniers, ces anciennes voies ferrées qui reliaient fosses et lavoirs, tracent aujourd'hui un réseau de voies vertes idéal pour la randonnée et le cyclisme. La véloroute de la Scarpe, qui passe non loin du domaine Natureza, permet de relier Arras à Saint-Amand-les-Eaux en traversant une mosaïque de paysages où nature et patrimoine industriel s'entremêlent harmonieusement.

Les étangs d'affaissement, nés de l'effondrement des galeries souterraines, sont devenus des havres de biodiversité. La mare à Goriaux, classée réserve naturelle, accueille une avifaune exceptionnelle dans un décor surréaliste où les terrils se reflètent dans les eaux calmes, créant des tableaux dignes des maîtres flamands.